Abstract: En dépit d'une ancienne présence sur le territoire de la France, les Juifs, parmi les diverses populations assemblées dans la construction historique de la nation française, semblent n'avoir pas été, pendant longtemps, considérés comme un élément constitutif du groupe national. La recherche se propose d'examiner cette dissonance entre la mémoire nationale et l'histoire, à travers ce que l'Ecole, pièce essentielle d'un dispositif de transmission, a retenu des Juifs dans l'histoire enseignée depuis plus d'un siècle, et qui se trouve à présent conservé dans les manuels scolaires. Ceux-ci, en effet, sans avoir été conçus pour cet usage, témoignent des termes dans lesquels une société élabore son passé historique et souhaite le transmettre aux générations ultérieures, dans une forme où se mêlent une préoccupation d'éducation civique et une volonté de diffusion de la connaissance. Des débuts de la Troisième république à nos jours, les manuels permettent d'observer quelle sorte de représentation des Juifs la mémoire historique de la France, modelée par une conception puissamment unitaire, a pu élaborer ; comment et selon quels mécanismes ces images perdurent, s'effacent ou se modifient. Les Juifs de l'histoire de France apparaissent alors étroitement liés à l'idée même de nation.
Abstract: Depuis le début des années 2000, l’enseignement de la Shoah est perçu en France comme une question socialement vive susceptible de déréguler les pratiques de classe. Cette thèse en sciences de l’éducation étudie l’expérience de l’enseignement de la Shoah des profes-seurs du secondaire en France. En s’appuyant sur 30 entretiens semi-directifs, la recherche montre, de l’intérieur, comment les professeurs interrogés perçoivent cet enseignement, ses difficultés et s’intéresse aux réponses déployées par les interrogés. Les résultats montrent les difficultés provenant du côté des élèves : saturation présumée, antisémitisme, concur-rence des mémoires, mais aussi concurrence entre les savoirs sociaux et le savoir scolaire. Du côté des enseignants, apparaît également la vivacité de la question, divisant davantage qu’elle ne fédère les membres de l’équipe éducative. De plus, l’impact émotionnel sur l’enseignant que la confrontation entre savoir scolaire et savoir social véhiculé par les élèves peut engendrer, accentue les difficultés rencontrées. Les professeurs qui montrent une assu-rance dans cet enseignement révèlent au travers des récits de vie de classe, qu’ils investis-sent pleinement le pôle didactique et le pôle pédagogique de la fonction de professeur. Aller à la rencontre de ce savoir social avec bienveillance et exigence, faire dire mais ne pas lais-ser dire amènent ces professeurs à répondre dans le cadre d’un savoir historique, précis et rigoureux qui refuse la dérive relativiste ou normative (Legardez, 2006). L’énoncé de repères éthiques et citoyens, une vigilance quant à la gestion de l’émotion dans la classe y compris de celle de l’enseignant, participent aussi au cadre construit par les professeurs. Ainsi ces derniers alternent entre le pôle didactique le pôle pédagogique, ce qui leur permet de rentrer dans « le fonctionnement improvisationnel de l’enseignant expert » (Tochon, 1993). L’enseignement de la Shoah dans certaines situations sensibles est assimilé à un combat. Une typologie inspirée des travaux de Jacques Pain (1992) sur la régulation de la violence délinquante par les arts martiaux émerge : combattant stratège, combattant intrépide, com-battant émotif, ou témoin distancié sont les différentes figures enseignantes qui se dégagent de cette recherche.
Abstract: CLe 10 octobre 2013, lors d’une réunion plénière à Toronto, l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) a marqué un tournant dans la compréhension des manipulations historiques en introduisant l’expression « distorsion de la Shoah ». Cette nouvelle terminologie qui étend la réflexion sur les menaces posées par l’antisémitisme et le négationnisme, dépasse le simple ajout lexical. Elle reflète une prise de conscience accrue face à la complexité des discours visant à remettre en question la réalité historique de la Shoah.
Le « négationnisme », un mot inventé en 1987 par l’historien Henry Rousso dans son ouvrage Le Syndrome de Vichy, désigne les idées de ceux qui minimisent ou nient l’extermination des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale. À l’époque, l’historien souhaitait rectifier l’usage inapproprié du terme « révisionnisme », souvent confondu avec celui de négationnisme, et rappeler que, dans une démarche scientifique, le révisionnisme se distingue clairement de ce dernier. Il expliquait alors :
Le révisionnisme de l’histoire étant une démarche classique chez les scientifiques, on préférera ici le barbarisme, moins élégant mais plus approprié, de « négationnisme », car il s’agit bien d’un système de pensée, d’une idéologie et non d’une démarche scientifique ou même simplement critique.
Le négationnisme, en tant qu’idéologie, cherche avant tout à effacer ou déformer la réalité de la Shoah. Toutefois, cette définition s’avère insuffisante pour désigner d’autres formes de falsifications historiques qui, plutôt que de nier directement l’événement, le réinterprètent de manière à le banaliser, le déformer ou le trivialiser…
Abstract: To be valid, history must be predicated on absolute, uncompromising truth, not manipulation. Eighty years ago, 48,000 Jews were not deported from Bulgaria — while 11,343 other Jews were cruelly loaded on trains bound for Treblinka where they were murdered. These are two interdependent realities that cannot be and must not be allowed to be uncoupled.
Il suffirait de si peu. Au regard de maints États européens alliés, satellisés ou occupés par l’Allemagne nazie, la politique de la Bulgarie envers les populations juives pendant la Seconde Guerre mondiale se prête à une lecture moins sombre. Signataire du Pacte tripartite le 1er mars 1941, le pays ne participa pas à l’offensive allemande de juin 1941 contre l’URSS ; son armée ne prit aucune part à la « Shoah par balles » et ses citoyens n’apportèrent pas de contribution aux exactions des Einsatzgruppen, ces unités mobiles d’extermination du Reich. Le « vieux royaume de Bulgarie » (frontières d’avant avril 1941) ne procéda pas à l’internement systématique et à l’extermination sur son territoire de ses citoyens juifs à la différence, par exemple, de l’État indépendant croate ustaša, né du démantèlement du royaume de Yougoslavie après son invasion par les nazis en avril 1941. La Bulgarie ne connut pas non plus les atrocités des pogroms de Bucarest et de Iaşi perpétrés dans la Roumanie de 1941, cet autre allié du Reich. Enfin, la presque totalité de la communauté juive de Bulgarie, soit environ 48 000 citoyens, survécut à la guerre après que le gouvernement eut reporté, puis renoncé à déporter une partie, sinon de la totalité, de cette communauté…
Abstract: Lors du festival Open City organisé à Lublin, en octobre 2019, l’artiste Dorota Nieznalska a présenté une installation intitulée « Judenfrei (Bûcher numéro 1) ». Cette œuvre présentait un bûcher recouvert de pancartes partiellement brûlées, sur lesquelles figuraient les noms de localités où, entre 1941 et 1946, des pogroms contre les Juifs furent perpétrés par des Polonais. À proximité de l’installation, les organisateurs avaient disposé un panneau explicatif précisant que ces crimes furent commis en toute connaissance de cause par des membres des communautés locales, animés par des instincts bas, la haine, l’antisémitisme et l’appât d’un enrichissement facile. Przemysław Czarnek, alors voïvode de la région de Lublin et futur ministre de l’Éducation et des Sciences au sein du gouvernement du parti Droit et Justice (PiS), a vivement réagi. Il a dénoncé publiquement l’installation de Nieznalska, la qualifiant d’« acte antipolonais », tout en fustigeant le panneau d’information qu’il a accusé de véhiculer un « mensonge ». Il a exigé du maire de Lublin qu’il fasse retirer cette œuvre controversée. Face à cette critique, la chercheuse Joanna Tokarska-Bakir, spécialiste des pogroms, a dénoncé l’ignorance du voïvode et s’en est indignée : « Comment peut-on laisser libre cours à ses intuitions face à des études scientifiques irréfutables qui attestent l’existence des pogroms dénoncés par l’artiste ? »
Malheureusement, les seules intuitions de Przemysław Czarnek ne sont pas le cœur du problème…
Abstract: Depuis les années 1990, l’usage des termes « révisionnisme » et « révisionniste » s’est imposé dans l’espace intellectuel et médiatique pour désigner, au-delà des auteurs d’extrême droite et faux savants niant l’existence des chambres à gaz, qualifiés de « négationnistes », tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, relativisent le génocide des Juifs et la complicité criminelle du gouvernement de Vichy. La négation d’un côté ; la minoration de l’autre. Dès 1990, l’historien Henry Rousso, auquel on doit l’introduction de la notion de « négationnisme » en France, évoquait une « histoire “révisionniste” de Vichy » à propos d’un ouvrage de François-Georges Dreyfus, Histoire de Vichy (Perrin), qui reprenait un certain nombre d’arguments pétainistes.
Mais, étonnamment, cet usage reste rarement explicité, alors qu’il a une histoire. L’objet du présent article vise à établir la généalogie et à retracer les évolutions et les lignes de force du contre-récit historique sur Vichy et les Juifs, de 1945 à nos jours. Pour cela, il se fonde sur l’étude de nombreux écrits et d’archives privées d’auteurs désireux de réhabiliter les dirigeants du régime pétainiste, de proposer une vision « pacifiante » des années noires ou d’aller à l’encontre d’une supposée doxa sur le sujet.Jusqu’à la fin des années 1960, les écrits justifiant la politique de Vichy et niant ou minimisant ses crimes sont d’abord et avant tout le fait d’avocats ou de parents des grandes figures liées à l’État français.
En juillet-août puis en octobre 1945, Philippe Pétain et l’ex-chef du gouvernement de Vichy Pierre Laval ont été jugés et condamnés à mort par la Haute Cour de justice pour trahison – la peine du vieux maréchal a été commuée en détention perpétuelle…
Abstract: « Les mots n’appartiennent pas au ciel des idées. Qu’on le veuille ou non, ils ont des conséquences sur les faits. »
L’archevêque de Paris Jean-Marie Lustiger a offert en 1997 à l’un des plus grands historiens du génocide des Juifs, Saul Friedländer, une méditation sur le mal absolu et sur sa négation toujours répétée : « La Shoah est la noire lumière par laquelle il est possible de nommer par son nom l’horreur commise en Bosnie ou au Rwanda, les crimes de Pol Pot au Cambodge, ceux du génocide arménien. […] Dès lors, le négationnisme qui dénie les faits ou le révisionnisme qui les « trafique » en faisant des Juifs les artisans de leur propre destruction, ne sont pas à inscrire au compte du scepticisme ou de la relativité des opinions humaines. Ils deviennent significatifs d’une tentation universelle. Ils sont des figures du mensonge qui toujours nie pour fuir la vérité. »
Vingt-cinq ans plus tard, le 20 janvier 2022, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté par les voix de 193 pays (l’Iran s’étant abstenu) une résolution sur la « négation [denial] et la déformation de l’Holocauste » (Holocaust distorsion) qui s’appuie terme à terme sur la convention de 1948 « sur la prévention et la répression du crime de génocide » : « Notant que le négationnisme fait référence au discours et à la propagande qui nient la réalité historique et l’ampleur de l’extermination des Juifs par les nazis et leurs complices pendant la Seconde Guerre mondiale, connue sous le nom d’Holocauste ou Shoah…
Abstract: Face à la multiplication des actes antisémites depuis quelques années et leur déferlement après le 7 octobre, l'inquiétude des Français juifs grandit : ont-ils encore un avenir dans leur pays ?
7 octobre 2023. Israël est frappé par l'attaque terroriste la plus meurtrière de son histoire. Quelques semaines plus tard, la France bascule : + 1 000 % d'actes antisémites.
Pendant plus d'un an, Dov Maïmon et Didier Long ont mené une enquête inédite, sillonnant la France, questionnant ministres, policiers, juges antiterroristes, politologues, citoyens et hommes de foi de toutes confessions. Entre autres.
Ils ont aussi eu accès à des données jamais révélées à ce jour, issues de rapports confidentiels des services secrets français et israéliens.
En s'appuyant sur ces sources, les auteurs analysent les menaces qui pèsent sur les Français juifs aujourd'hui.
Dans un contexte social délétère, la montée de l'islamisme laisse présager un basculement vers un régime autoritaire ou une guerre civile.
Une question se pose alors : les Juifs de France doivent-ils partir avant qu'il ne soit trop tard ?
Abstract: Durant quarante ans, l’extrême droite a été l’ennemie officielle des Juifs de France. Or, certains leaders extrémistes ont pu voir dans l’irruption de l’islamisme radical l’opportunité de séduire un électorat jusque-là hostile: l’islamisme n’était-il pas un ennemi commun?
Marine Le Pen a ainsi voulu surfer sur l'inquiétude des Juifs de France face à la montée d’un antisémitisme dont elle prétendait, de surcroît, pouvoir les protéger. D’où ses tentatives, nombreuses et variées, pour les rallier à sa cause.
Le FN, devenu Rassemblement National, serait-il devenu un partenaire respectable? Ou, tout au moins un opposant fréquentable ?
Les auteurs de cette enquête ont sillonné la France à l’écoute des communautés juives présentes dans les villes d'extrême droite, de Fréjus à Hayange, de Béziers aux quartiers-nord de Marseille. Ils ont remonté le fil de l’histoire du Front National et de ses tentatives de séduction, ainsi que celle des réactions des juifs face à cette main tendue. Pour mieux comprendre, ils ont recueilli des confidences d’élus frontistes, de témoins et d'intellectuels.
Et ils racontent les coulisses de cette tentative de hold-up idéologique.
Abstract: A la suite de Maurice Bardèche, Paul Rassinier, Robert Faurisson, des hommes, remettant en cause l’authenticité de la Shoah, se sont prévalus du terme de révisionnistes ». Les historiens leur ont opposé – leur travail étant révisionniste par définition – le mot « négationniste ».
Cette histoire est l’histoire d’un délire, mais, comme tout délire, bâti sur une démarche rationnelle. Cependant, derrière cette apparente folie interprétative, un des buts politiques ne tarde pas à se révéler : il s’agit, en France comme dans les autres pays où le négationnisme s’est répandu, de nier les fondements historiques de l’État israélien.
Cet ouvrage retraceavec minutie la genèse d’une idéologie et ses variations dans le temps et dans l’espace. La soutenance d’une thèse d’histoire par l’auteur en est l’origine.
Abstract: L’adjectif « résiduel » a été récemment utilisé par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau pour qualifier l’antisémitisme d’extrême droite, en considérant que désormais la haine des Juifs était l’affaire de l’islamisme et de l’extrême gauche. Il reprenait ainsi le qualificatif de Jean-Luc Mélenchon, qui avait écrit quelques mois auparavant que « Contrairement à ce que dit la propagande de l’officialité, l’antisémitisme reste résiduel en France. » Durant les campagnes électorales de 2024 en France, le Rassemblement national (RN) s’est présenté comme le bouclier des Français juifs. L’actualité paraît ainsi renfoncer le storytelling entretenu depuis une quinzaine d’années, selon lequel l’extrême droite ne serait plus antisémite, voire deviendrait solidaire des Français juifs. Autour de ce sujet sont souvent mis en avant des déclarations philosémites de ténors nationaux-populistes. D’autre part, les révélations publiques de prétendus « dérapages » antisémites de candidats malheureux du RN sont monnaie courante. Pour circonscrire le phénomène, il faut distinguer les modes d’expression de cet antisémitisme. Les questions des violences, de la place accordée aux marqueurs antisémites dans la communication des partis, et de l’expression culturelle sont trois dimensions qui se recoupent pour distinguer la place de l’objet au sein de ce champ politique.
Abstract: Depuis les années 1970, s’observe une « orthodoxisation » de la judaïcité mondiale, notamment en France, au Royaume-Uni, aux États-Unis ou en Israël. Ce mouvement est d’abord porté par des jeunes. Or, jusqu’ici, les études n’ont pas suffisamment abordé la conjonction de la globalisation, de la jeunesse et de la religion dans cette évolution. Cet article étudie la globalisation d’un courant juif orthodoxe, le mouvement loubavitch. Comment insère-t-il les jeunes dans une stratégie de globalisation ? Quels en sont les effets sur leur pratique religieuse ? Cette ONG confessionnelle est un important vecteur d’une « orthodoxisation » chez les jeunes. Elle investit de manière prioritaire dans la jeunesse, notamment par un système éducatif spécifique : il vise à favoriser l’intégration à la communauté loubavitch, par le biais d’une formation orthodoxe standardisée. Mais au sein du mouvement, les jeunes sont aussi des agents : ils sont promoteurs d’une orthodoxie juive globalisée.
Abstract: Qu’il s’agisse d’un livre de recettes « juives », d’un cours dispensé à un jeune couple par un rabbin sur les lois « juives » du mariage, d’une défense pamphlétaire de l’État d’Israël en tant qu’État « juif » ou de la publication d’un texte psychanalytique sur le Moïse de la Bible hébraïque, toutes ces activités participent à une production définitionnelle à la fois collective, publique, collaborative ou conflictuelle du fait « juif ». Dans le monde francophone, celle-ci se déploie dans un espace public spécifique se constituant en lieu de « production » de judéité. En tant qu’espace d’identification incluant — mais sans jamais pouvoir entièrement s’y réduire — des dimensions ethniques, religieuses, diasporiques, culturelles, politiques et nationales, le judaïsme contemporain, de fait, est profondément hétérogène. Il est constitué d’une multitude de microcosmes plus ou moins autonomes et est traversé tant par différentes dynamiques de sécularisation que de réaffiliations religieuses. Dans ce contexte, existe-t-il un ou plusieurs principes permettant de « tenir » ensemble toutes ses composantes ? Cette thèse porte sur l’économie de la légitimité au sein du judaïsme francophone, appréhendé à l’aide de la théorie des champs. La problématique qui guide ce travail peut être synthétisée par l’interrogation suivante : qui parle au nom des Juifs et à quelles conditions ? Au croisement de la sociologie politique, des sciences sociales du religieux, des études juives et de la sociologie des champs, les analyses présentées dans cette enquête s’appuient sur des matériaux hétéroclites : quatre-vingts entrevues réalisées avec des figures publiques du judaïsme francophone, une observation participante menée en yeshiva et la construction de deux bases de données statistiques. Quatre axes majeurs ont été couverts : la lutte contre l’antisémitisme, une série d’antagonismes dont le sous-champ religieux est l’épicentre et portant sur la position à adopter face au « sujet » moderne, le sionisme-religieux et le sépharadisme québécois. Comme le suggèrent ces deux derniers thèmes, la perspective de cette enquête est transnationale. Le judaïsme français étant le cœur démographique du judaïsme francophone, la majorité des données récoltées proviennent de ce pays. Mais l’enquête s’est aussi déroulée au Québec et dans le monde franco-israélien. Ceux-ci ont été intégrés à l’analyse en tant qu’études de cas permettant de mieux saisir les effets de la transnationalisation du champ sur l’économie de la légitimité. Cette thèse arrive au constat qu’en l’absence d’instances unifiées de consécration dans le champ, comprendre l’économie de la légitimité dans le judaïsme francophone contemporain suppose de prendre au sérieux les rapports moraux au monde constitutifs de l’expérience juive.
Abstract: Cette contribution tente d’approcher les sentiments nourris par le souvenir du Yiddishland à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle. Elle cherche, afin d’aborder cette sphère habitée par l’ancrage familial, traversée par des antagonismes idéologiques, hantée par le souvenir de l’émigration et de l’intégration ainsi que celui de souffrances inouïes et longtemps indicibles, à suivre les représentations idéales d’un monde perdu, dans le domaine de la culture et dans celui des utopies politiques, en s’intéressant d’une part à des aspects du renouveau de l’expression culturelle yiddish en France au cours des trois dernières décennies, en particulier dans la chanson (Jacques Grober, Violette Szmajer, Batia Baum, Michèle Tauber et le groupe du Paon doré) ; d’autre part aux survivances des motifs d’utopie politique trouvant leur source dans l’épopée idéologique et historique du Yiddishland (Charles Melman, Mojsze Zalcman) ; enfin à la réappropriation de la mémoire véhiculée par le yiddish telle qu’elle peut être perçue dans les interviews réalisées par Max Kohn entre 2006 et 2016. Cette recherche, tentative d’exploration d’un cheminement affectif vers le yiddish de la part d’un enfant né à cette époque en Israël et ayant grandi en France dans une famille non yiddishophone, se limitera à certaines expressions de cette mémoire et de ces motifs d’espérance en France, sans s’interdire de les mettre en rapport avec des expressions analogues dans d’autres pays de la diaspora juive ou en Israël.
Abstract: Aujourd’hui, le djudyó (judéo-espagnol) n’est plus transmis en France. Des associations, comme Aki Estamos, offrent aux personnes qui le parlent ou le comprennent la possibilité de suivre des cours de langue. Les participants, sans être des locuteurs à part entière, ne sont pas non plus des apprenants stricto sensu, puisqu’ils possèdent des compétences linguistiques acquises dans leur enfance. Dans leur cas, la dichotomie entre acquisition et apprentissage est inopérante. Il convient d’identifier les objectifs de ces locuteurs-apprenants, qui suivent les cours sans développer de nouvelles compétences langagières. Ce sont les mots et leurs sonorités qui montent alors sur le devant de la scène, délaissant la grammaire. Le cadre des cours constitue un prétexte pour retrouver une langue et un monde disparus. M’appuyant sur l’observation participante, j’esquisserai les profils linguistiques de ces participants pour tenter d’en comprendre la démarche.
Abstract: Les manifestations de nationalisme et d’antisémitisme qui accompagnèrent la transition furent souvent interprétées en termes de retour du même. En témoignent des expressions chargées en connotations primordialistes telles que « retour des nations et du nationalisme », « réveil des nationalismes », « retour des vieux démons ». Effet « réfrigérant » de la domination du Parti-État, « vide idéologique » postcommuniste, telles furent, dans un premier temps, les explications communément invoquées pour en expliquer la réactivation.
C’est oublier que l’effondrement idéologique du communisme en Europe du Centre-Est a largement précédé celui du Mur de Berlin, et que les passions nationalistes n’avaient jamais été mises au frigidaire sous le régime communiste. Instrumentalisées par certaines élites du Parti comme par des fractions de l’opposition, elles n’ont pas attendu l’effondrement du Mur de Berlin pour se déployer. Reste que leurs manifestations récentes sont d’autant plus difficiles à interpréter en bloc que l’hétérogénéité sociologique de l’Europe du Centre-Est s’approfondit depuis la désintégration de l’Empire soviétique et que le concept même de nationalisme désigne parfois des réalités sociales et politiques diamétralement opposées.
En partant de l’idée que « le renouveau du nationalisme en Europe de l’Est est moins la cause de la situation actuelle que sa conséquence », nous montrerons à partir de l’exemple polonais, que celui-ci participe en réalité d’un phénomène classique de réinvention d’une tradition…
Abstract: Contre toute attente, l’antisémitisme est redevenu un phénomène politique et social d’actualité en France. Au-delà d’une simple persistance de préjugés anciens, il s’incarne depuis la fin de la guerre de 1939-1945 dans une expansion sans précédent des violences antijuives, allant des insultes jusqu’au meurtre. Sa reviviscence dans l’une des plus vieilles nations démocratiques d’Europe est le signe d’un malaise social et politique qui reste à interpréter. Quels sont les lieux, les milieux et les significations de cette animosité haineuse ? Doit-on y voir l’effet de la persistance de l’ancien ? d’un déplacement ? de la recomposition de formes inédites, portées par des acteurs nouveaux, dans un contexte pourtant gagné aux principes démocratiques ?
Alors même que l’ampleur du phénomène est de nature à mobiliser les sciences sociales pour l’élucider et aider à le combattre, cet antisémitisme s’est accompagné d’un certain déni : longtemps minimisé dans les médias, il peine à être reconnu dans le monde judiciaire et reste peu exploré par les sciences sociales. Cet ouvrage entend donc contribuer à l’analyse rigoureuse du phénomène, en proposant à la réflexion les textes d’historiens, de philosophes, de sociologues et de politistes.
Abstract: Les différentes réalités de l’antisémitisme sont enfin objectivées.
L’Institut Jonathas présente les résultats du premier sondage réalisé en Belgique sur la perception des Juifs, de l’antisémitisme, des autres minorités et de la guerre en cours à Gaza et en Israël.
Créé en mars 2024, l’Institut Jonathas est un centre d’études et d’action contre l’antisémitisme et contre tout ce qui le favorise en Belgique. Il a demandé à IPSOS d’objectiver et de mesurer, à la veille des élections du 9 juin, les opinions des Belges sur des sujets qui sont au cœur de sa raison d’être.
IPSOS a interrogé, du 8 au 12 mai, un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population belge de 18 ans et plus, avec le même panel et la même méthodologie que pour les sondages politiques.
En l’absence de sondages pouvant tenir lieu de points de comparaison en Belgique, plusieurs questions ont été reprises de sondages récents menés en France par IPSOS ou par IFOP. Les résultats français sont indiqués ci-après, lorsque la comparaison avec les résultats belges est pertinente.
Le sondage réalisé par IPSOS pour l’Institut Jonathas met en lumière et objective les différentes facettes de l’image des Juifs et de l’antisémitisme dans la société belge :
Une image très moyenne des Juifs, 80 ans après la Shoah.
Des marqueurs d’antisémitisme primaire prégnants dans toutes les composantes de la société belge et sur-représentés à l’extrême-gauche, à l’extrême-droite et chez les musulmans
En plus de ces préjugés « traditionnels » (argent, pouvoir, religion…), des marqueurs d’antisémitisme dit « secondaire », aboutissant à banaliser la Shoah et à nazifier Israël
Une méconnaissance générale des Juifs, du judaïsme et de la réalité de l’antisémitisme en Belgique
Trois premières sources d’antisémitisme en Belgique, selon les Belges : l’hostilité à Israël, l’islamisme radical et les préjugés sur les Juifs
Un écho limité chez les Belges des sujets relatifs à Israël, à la Palestine et à la guerre, à l’exception d’une minorité dont certains éléments souhaitent la destruction de l’Etat d’Israël
Distance ou indifférence d’environ 50% des Belges vis-à-vis de la guerre entre Israël et le Hamas, mais aussi polarisation sur ce conflit de segments précis de la population belge.
La guerre, source d’inquiétude pour les Juifs en Belgique selon la majorité des Belges, mais aussi matière à hostilité contre les Juifs en Belgique pour une minorité de Belges
Un antisémitisme s’inscrivant dans une société belge plutôt tendue et inquiète concernant ses relations avec les différents groupes minoritaires et, en particulier, les musulmans et les Maghrébins.
Abstract: Depuis 2012, l’histoire de la mémoire du génocide des Juifs est étudiée en terminale (série L, ES) dans le cadre du chapitre portant sur « L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale ». Si les enseignants sont sollicités chaque année à l’occasion de journées commémoratives pour transmettre à leurs élèves la mémoire de la Shoah, porteuse d’un enjeu civique, l’introduction dans les programmes de ce sujet d’histoire relève d’une ambition pédagogique qui doit nécessairement s’articuler à la recherche scientifique. Dans cette perspective, cet article fait le point sur les récentes avancées historiographiques concernant l’histoire de la mémoire du génocide des Juifs en France qui permettent d’affiner un découpage chronologique que plusieurs manuels scolaires présentent de façon caricaturale. Il convient ainsi de remplacer le schéma narratif classique polarisé autour de « oubli/mémoire/temps du devoir de mémoire » par une périodisation qui prend en compte les traces -éparses mais significatives- de la mémoire du génocide dans la société française dès les années 1950, ce qui relativise fortement la thèse de son oubli. Les années 1970 et surtout 1980 sont marquées par des mises en récit publiques du génocide qui le situent dans un horizon commun de plus en plus partagé en le référant à des enjeux contemporains (lutte contre le négationnisme et l’antisémitisme, lutte contre l’extrême droite, reconnaissance et réparations dues aux victimes, reconnaissance officielle de la participation active de Vichy, exercice de la justice pour les crimes contre l’humanité). La prise en compte de cette mémoire dans les années 1990 par un État qui reconnait sa responsabilité historique dans le crime génocidaire entraîne de nombreuses actions publiques qui se déclinent sous différentes formes (commémorations, mémoriaux, voyages scolaires). L’Ecole est alors mobilisée comme un acteur privilégié de la transmission de cette mémoire qui est investie d’enjeux éducatifs fondés sur la promotion des valeurs des droits de l’homme et du vivre ensemble.
Abstract: Unia publie un rapport consacré à l’antisémitisme en Belgique (2024) et formule 10 recommandations. Ce travail d’analyse, basé sur les dossiers de 2018 à 2022, est structuré en deux volets. Le second volet est dédié à l’impact des évènements tragique du 7 octobre 2023 sur les signalements reçus par ses services.
I. L’antisémitisme en Belgique. Analyse et recommandations au départ des dossiers traités par Unia entre 2018 et 2022
En 2021, Unia a publié une note relative à l’antisémitisme et à la définition de l’IHRA. Le temps ne s’est pas arrêté dans l’intervalle. Les rapports de recherche ainsi que les signalements adressés à Unia et à d’autres acteurs, aux organisations juives et à la police indiquent que toutes sortes de messages de haine et délits de haine antisémites, notamment sur les réseaux sociaux, demeurent une triste réalité et que la lutte contre l’antisémitisme doit s’intensifier.
Dans le présent rapport, nous revenons d’abord succinctement sur l’analyse de 2021, puis nous passons en revue les différentes définitions des faits antisémites (qu’il s’agisse de définitions juridiques ou de définitions de travail alternatives) et leur utilisation dans la pratique.
II. L’impact du conflit israélo-palestinien : discours et délits de haine en Belgique – focus sur les signalements entre 7 octobre et le 7 décembre 2023
En raison de la tragique actualité, Unia a rédigé un document annexe au rapport, qui examine l’impact du conflit sur son activité.
En deux mois, entre le 7 octobre 2023 et le 7 décembre 2023, 91 signalements ont été enregistrés, dont 66 font explicitement référence à l’ascendance juive. Il s’agit essentiellement de messages de haine, pour plus de la moitié en ligne, mais aussi de propos tenus dans l’espace public. Unia est par ailleurs en contact avec le parquet et la police dans 9 dossiers relatifs à des agressions et dégradations.
A titre de comparaison, l’an passé, Unia a enregistré en moyenne entre 4 et 5 signalements par mois.
Le conflit ne change pas la nature des actes, mais il accroît leur intensité en raison d’un effet de loupe. Le même phénomène a été observé en 2008-2009.
Het rapport antisemitisme in België (2024) van Unia bestaat uit 2 delen: de analyse van de dossiers van 2018 tot 2022 en de impact van de tragische gebeurtenissen sinds 7 oktober 2023 op de nieuwe meldingen. We doen ook 10 aanbevelingen.
I. Antisemitisme in België. Analyse en aanbevelingen op basis van dossiers behandeld door Unia tussen 2018 en 2022
In 2021 publiceerde Unia een nota over antisemitisme en de definitie van de IHRA. De tijd is ondertussen niet stil blijven staan. Onderzoeksrapporten en meldingen bij Unia en bij onder meer Joodse organisaties en politie geven aan dat verschillende vormen van haatspraak (vooral op sociale media) en antisemitische misdrijven een jammerlijke realiteit blijven. De strijd tegen antisemitisme moet duidelijk worden opgevoerd.
In het rapport antisemitisme (2024) kijken we eerst kort terug op de analyse van 2021 en gaan we vervolgens in op verschillende definities van antisemitische feiten (zowel juridische definities als alternatieve werkdefinities) en hun praktische toepassing.
II. Impact van het Israëlisch-Palestijns conflict: haatspraak en -misdrijven in België – focus op de meldingen van 7 oktober tot 7 december 2023
Na de tragische gebeurtenissen sinds 7 oktober stelde Unia een bijlage op die de impact van het conflict op de meldingen analyseert.
In de 2 maanden tussen 7 oktober 2023 en 7 december 2023 werden 91 meldingen geregistreerd, waarvan er 66 expliciet verwijzen naar Joodse afstamming. Het gaat vooral om haatberichten, waarvan meer dan de helft online, maar ook uitlatingen in de openbare ruimte. Unia had in 9 gevallen contact met het parket en de politie voor dossiers over agressies en beschadigingen.
Ter vergelijking: vorig jaar registreerde Unia gemiddeld 4 à 5 meldingen per maand.
Het conflict heeft geen impact op de aard van de daden, maar verhoogt wel de intensiteit ervan. Hetzelfde fenomeen werd overigens waargenomen in 2008-2009
Abstract: En 2023, la CICAD a recensé 944 actes antisémites en Suisse romande. Ceci représente une hausse de 68% comparé aux 562 actes enregistrés en 2022.
Cette augmentation considérable est en grande partie due à l’importation du conflit Israël-Hamas, qui a servi et continue de servir de prétexte au déferlement de l’antisémitisme. Alors que la moyenne mensuelle était de 42.5 actes par mois jusqu’en septembre, plus de 150 actes antisémites par mois ont été recensés dès octobre.
L’extrême droite continue d’être un vecteur d’expression et de propagation d’une idéologie antisémite.
En outre, l’antisémitisme dit « traditionnel » demeure la forme la plus courante de l’antisémitisme.
Le nombre de cas signalés dans les écoles depuis le 7 octobre est particulièrement inquiétant. Tous les élèves romands sont concernés par le phénomène antisémite. Victimes, témoins ou auteurs, les élèves de Suisse romande méritent que des dispositions pédagogiques soient prises pour sensibiliser et combattre toutes les formes d’expression de racisme et d’antisémitisme.
L’interdiction des symboles nazis dans l’espace public doit s’imposer dans les législations fédérales et cantonales. Les initiatives salutaires de parlementaires genevois, vaudois, fribourgeois et neuchâtelois permettront, à terme, de renforcer les dispositifs légaux déjà existants.
Constatant que l’année 2024 débute, déjà, par de très nombreux signalements, il est impératif que les autorités réagissent vigoureusement en prenant des mesures politiques, judiciaires et éducatives.
Abstract: En 2022, la CICAD a recensé 562 actes antisémites en Suisse romande. Cette quantité considérable d’incidents enregistrés est due à plusieurs facteurs : élargissement des sources observées, activité très prolifique à Genève d’un négationniste et un accroissement des cas d’antisémitisme. Toutefois, si nos statistiques ne se concentraient que sur les mêmes sources que l’année précédente, la CICAD comptabiliserait 283 actes contre 165 en 2021, soit une hausse de 70%.
Le constat est sans appel : en Suisse romande, l’antisémitisme persiste et continue de croître.
En outre, 3 actes graves et 23 actes sérieux ont été enregistrés en 2022 (contre 5 actes graves et 7 actes sérieux l’année passée).
Les principaux vecteurs d’antisémitisme :
L’extrême-droite : l’extrême-droite est toujours présente en Suisse romande. Sa haine des juifs et des diverses minorités s’exprime quotidiennement.
Les théories du complot : le complotisme s’adapte rapidement à l’actualité et Internet favorise son étendue jusque dans des manifestations et conférences. L’antisémitisme demeure très présent au sein des anciennes comme des nouvelles théories du complot. Cette année, le conflit en Ukraine a été une source importante de théories du complot juif.
Le négationnisme reste marginal en Suisse romande. Toutefois les négationnistes présents dans notre région sont très actifs et comptent pour une grande partie des cas recensés en 2022,
L’actualité au Proche-Orient est généralement une source permanente de commentaires antisémites sur les réseaux sociaux. Cependant, l’antisémitisme lié à Israël a été moins important cette année. Toutefois, deux pics ont été observés en mai, après la mort de Shireen Abu Akleh et en août, lors des affrontements entre le Jihad islamique et l’armée israélienne à Gaza.
L’actualité locale influence également l’antisémitisme. En 2022, un dossier sur l’antisémitisme publié par la Commission fédérale contre le racisme et une vidéo du média Tataki abordant les stéréotypes sur la communauté juive ont engendré une vague de commentaires antisémites sur les réseaux.
Le rapport sur l’antisémitisme en Suisse romande intègre également une synthèse nationale, fruit d’une collaboration entre la FSCI et la CICAD.
Des initiatives doivent être prises dans les domaines éducatifs, politiques et judiciaires, afin de contenir ce fléau.
L’antisémitisme est une atteinte à nos libertés qui doit être combattue avec la plus grande fermeté. Le rapport détaille les recommandations de la CICAD en ce sens. Ce rapport sera pour la première fois disponible aussi en anglais dès le 3 mars 2023.
Abstract: A l’heure où ce début d’année a déjà été marqué par plusieurs actes antisémites contre les synagogues de Lausanne, Genève et Bienne, la CICAD a observé une hausse significative des actes antisémites recensés en 2020.
147 au total, dont 141 actes préoccupants (100 actes préoccupants en 2019), en forte progression (+41%).
36% des actes recensés en 2020 concernent les théories du complot juif. Une vision complotiste du monde qui sert d’alibi pour déverser de l’antisémitisme, principalement à l’extrême-droite et au sein des mouvements de « dissidence », anti-vaccins ou anarchistes.
L’extrême droite est la première source d’antisémitisme en Suisse romande. Des groupuscules participent grandement à la diffusion de propos antisémites et autres théories du complot visant les juifs.
Parallèlement, des acteurs de la mouvance complotiste ont également fait leur apparition en marge de la crise du COVID-19.
Le rapport de la situation en Suisse alémanique, publié par la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI ) en collaboration avec la Fondation contre le racisme et l’antisémitisme GRA, établit le même constat. La CICAD et la FSCI proposent une analyse commune de la situation sur tout le territoire helvétique dans leurs rapports respectifs.
« La situation liée au Covid a provoqué l’émergence de propos antisémites sur les réseaux sociaux et la question de l’extrême droite est en effervescence depuis l’année passée » a déclaré Johanne Gurfinkiel, Secrétaire général de la CICAD lors de la conférence de presse qui s’est tenu ce matin.
L’inquiétude est de mise. Au regard de cas plus récents qui nous ont mobilisés, des initiatives sont à prendre, en particulier sur les volets éducatif, politique et judiciaire, que la CICAD détaille dans ses recommandations.
Abstract: Quelques jours après l’attaque du Hamas en Israël, l’IFOP a réalisé pour le Journal du Dimanche, un sondage destiné à comprendre quelles étaient les représentations des Français à l’égard du conflit et de son impact sur une éventuelle importation de violences antisémites en France.
Premier enseignement de cette étude, le conflit au Proche-Orient apparaît comme particulièrement anxiogène. 86% des Français indiquent être inquiets (36% « tout à fait inquiets »), soit un niveau d’inquiétude proche de celui mesuré au début du conflit russo-ukrainien. Le sentiment d’inquiétude atteint son acmé dans certains segments de la population traditionnellement plus favorables à l’Etat Hébreu : les plus de 65 ans (44% de tout à fait inquiets parmi les plus de 65 ans contre 25% parmi les 18-24 ans) ou encore les électeurs de Valérie Pécresse (50% de « tout à fait inquiets »).
Deuxième enseignement de cette étude : les Français établissent clairement un lien entre les évènements au Proche-Orient et l’importation de violences antisémites en France. 48% des sondés estiment ainsi que les Français de confession juive sont plus en danger et 79% se déclarent inquiets que le conflit se traduise par une augmentation des actes antisémites.
Plus globalement, les Français identifient bien les « nouvelles formes d’antisémitisme » comme étant des causes à ce phénomène : 77% citent le rejet et la haine d’Israël, 76% les idées islamistes, soit des niveaux supérieurs à ceux mesurés pour les idées d’extrême droite (66%).
Dernier point, les pouvoirs publics bénéficient d’une certaine mansuétude dans l’opinion : 60% des Français estiment leur faire confiance pour assurer la sécurité des Français de confession juive. Jean-Luc Mélenchon suscite en revanche la défiance sur ce sujet : il apparait comme la personnalité politique qui suscite le moins de confiance pour lutter contre l’antisémitisme (17%), loin derrière Edouard Philippe (46%), Gerald Darmanin (42%), Marine Le Pen (42%) ou encore Emmanuel Macron (41%).
Abstract: 589 actes antisémites ont été recensés en 2021, soit une augmentation de près
de 75% par rapport à l'année précédente.
Les violences physiques ont augmenté de 36% comparativement à 2020.
‣ Les actes portant atteinte aux personnes représentent 45% des actes
antisémites, dont 10% sont des agressions physiques.
Selon les chiffres du Ministère de l'Intérieur, 73% des actes racistes portant atteinte aux
personnes sont dirigés contre des Juifs.
‣ Deux phénomènes inquiétants méritent une attention particulière :
๏ le nombre élevé d'actes antisémites commis dans la sphère privée (25% des actes
antisémites). Il s'agit essentiellement d'actes commis à proximité du domicile de la
victime, par un voisin d'immeuble ou par des personnes vivant dans le quartier.
๏ la proportion d'utilisation d'armes dans les agressions physiques (20%) et
menaces (10%) à caractère antisémite. Les armes les plus utilisées sont les couteaux
(9 cas) et les pistolets (5 cas). Les autres actes sont commis au moyen de carabines,
mortier de feu d’artifice, marteau, machette, pistolet à plomb, ciseaux.
‣ En 2021, deux pics d'augmentation des actes antisémites ont été relevés :
๏ en mai, pendant le déroulement de l'opération "Gardien des murailles" lancée par
Israël contre le Hamas. 5 actes antisémites ont été recensés en moyenne par
jour au cours de cette période. Il s'agit essentiellement d'insultes et de gestes
menaçants. Dans près de 1/3 de ces actes, le thème de la Palestine est évoqué.
๏ en août, pendant les premières mobilisations contre les restrictions sanitaires. Il
s'agit essentiellement d'inscriptions antisémites désignant les Juifs comme les profiteurs,
voire les instigateurs de la crise sanitaire.
Abstract: L’année 2021 est une année record avec 119 signalements. Le nombre le plus important depuis le
début du recensement en 2001.
• Cette augmentation pourrait être liée à l’opération « Gardiens des Murailles » opposant Israël au
Hamas. Le conflit au Moyen-Orient sert régulièrement de prétexte à l’expression de l’antisémitisme
sous couvert d’antisionisme.
• L’année 2021 a également été marquée par la pandémie du COVID-19 qui a exacerbé les frustrations et
peurs en tout genre. Les Juifs sont régulièrement pris pour cible étant tenus à tour de rôle responsables
de la maladie, ou, en tirant profit.
• Les signalements sur internet ont nettement augmenté. +62,75% en 2021
• Les signalements pour des actes antisémites commis dans l’espace public ont diminué.
• La majorité des incidents relevés, hors internet, a eu lieu à Anvers et Bruxelles.
• En mai, pendant le déroulement de l’opération « Gardien des Murailles » opposant Israël au Hamas, une
moyenne de 6 actes antisémites par jour a été enregistrée.
• 3 agressions physiques ont eu lieu à Anvers
Het jaar 2021 is een recordjaar met 119 meldingen. Het grootste aantal sinds de volkstelling in 2001
begon.
• Deze toename kan worden verklaard door het feit dat in mei 2021 de operatie «Guardian of the Walls»
tussen Israël en Hamas plaatsvond. Het conflict in het Midden-Oosten wordt regelmatig gecoöpteerd
om antisemitisme uit te drukken onder het mom van antizionisme.
• Het jaar 2021 is ook gekenmerkt door de COVID-19-pandemie die frustraties en angsten van allerlei
aard heeft verergerd. Joden worden regelmatig geviseerd en verantwoordelijk gehouden voor de ziekte
of ervan te profiteren.
• De berichten op internet zijn aanzienlijk toegenomen. +62,75% in 2021
• Het merendeel van de geregistreerde incidenten, buiten het internet, vond plaats in Antwerpen en
Brussel.
• In mei, tijdens Operatie Guardian of the Walls tussen Israël en Hamas, werden gemiddeld 6
antisemitische daden per dag geregistreerd.
• 3 aanslagen vonden plaats in Antwerpen
Abstract: 2020 zag een vermeerdering van signalementen ten belope van 36,5% tov 2019.
• Deze vermindering kan worden uitgelegd door het feit dat de Covid-19 pandemie in 2020 is begonnen
en de mensen heeft verplicht binnen te blijven gedurende meerdere maanden, zonder externe
contacten, hetgeen als gevolg heeft gehad de angst te versterken bij de geïsoleerde personen en de
meest zwakke geesten, alsook het gevoel van persecutie en de samenzweringstheorieën.
• De joden zijn ten alle tijden de zondebok geweest tijdens pandemieën en onzekere periodes. Het jaar
2020 heeft deze steretypen niet mogen tegenspreken.
• De signalementen op het Internet zijn in 2020 vermeerderd met 54,5%.
• Het merendeel van de vastgestelde incidenten, buiten het Internet, heeft plaatsgevonden te Antwerpen
en Brussel.
En 2020, on observe une augmentation de signalements de 36,5% par rapport à 2019.
• Cette augmentation peut s’expliquer par le fait qu’en 2020 a débuté la pandémie du COVID-19 qui
a contraint la population à rester confinée, sans contact extérieur pendant des mois. Cela a eu pour
conséquence d’augmenter les angoisses, sentiments de persécution et théories du complot chez les
plus fragiles et isolés.
• Les juifs ont de tout temps servi de bouc émissaire lors d’épidémies et périodes d’incertitudes. L’année
2020 n’aura pas échappé à ces stéréotypes.
• Les signalement sur internet ont nettement augmenté. +54,5% en 2020
• La majorité des incidents relevés, hors internet, a eu lieu à Anvers et Bruxelles.
Abstract: Lorsqu’un tribunal allemand à Cologne décida que l’ablation du prépuce pour motif religieux relève de coups et blessures volontaires, il ne pensait pas faire de politique. Lorsque les porte-parole des Juifs en Allemagne s’indignèrent que cette décision revienne en somme à bannir les juifs du pays, éclata un scandale politique national aux proportions mondiales. La chancelière Angela Merkel, rapporte-t-on, réagit en disant « Je ne veux pas que l’Allemagne soit le seul pays au monde dans lequel les Juifs ne peuvent pratiquer leurs rites. Sinon on passerait pour une nation de guignols ». En réalité ce n’est pas le ridicule que l’Allemagne craignait, c’était qu’après avoir tenté d’éradiquer les Juifs d’Europe, avec un certain succès, elle affiche une inhospitalité foncière à l’égard des Juifs. Mais il n’est pas fortuit que ce soit précisément en Allemagne que les droits de l’homme, les droits les plus individuels, soient scrupuleusement approfondis jusqu’à une conclusion politiquement intenable.
Le tribunal de Cologne, en pénalisant la berit milah, ne fait pas de politique, il protège l’intégrité physique de la personne et déclenche pourtant un scandale politique et des réactions en chaîne qui poussèrent le législateur allemand à amender dans l’urgence cette embarrassante décision. Et les juifs, lorsqu’ils circoncisent, que font-ils exactement ? Les anthropologues ont échafaudés un ensemble d’hypothèses sur la fonction de la circoncision. Les réponses varient selon le groupe étudié, mais souvent se chevauchent…
Abstract: Si l’on considère à deux ans de distance le débat sur la circoncision qui a secoué l’Allemagne en 2012, et du point de vue d’un combattant juif alors focalisé uniquement sur la circoncision juive de garçons, ma conclusion est que la circoncision a perdu son innocence. Certes, il y a toujours eu des livres de Juifs et des articles de non-Juifs pour s’en prendre à la circoncision ; et certes, il y eut de nombreuses discussions sur certaines pratiques, comme la Metzitza bePeh, la succion du sang par le mohel qui exécute la circoncision, par exemple quant à savoir si l’usage d’une paille en verre devait être rendu obligatoire – et malgré tout, la circoncision était un acte qui semblait aller de soi. Et quiconque souhaitait y renoncer pour son fils y renonçait.
Or, avec le débat sur la circoncision, qui a eu lieu dans une Europe centrale qui considère la religion avec méfiance dès qu’elle poursuit des buts autres que thérapeutiques, les choses ont changé d’un coup. Au prétexte des complications qui survinrent lors de la circoncision d’un garçon musulman, circoncision qui n’avait pour ainsi dire rien à avoir avec une berit milah (considérant l’âge du garçon, le lieu, les participants et les conditions de l’acte) – la circoncision a été prise dans une spirale de légitimations, qui n’avait pour ainsi dire rien à voir avec le rapport que la majorité des juifs entretiennent à l’égard de cette tradition, ou, pour employer ici le terme religieux, de cette mitsvah.
Abstract: Partons d’un constat, qui est à l’origine de notre volonté – avec Danielle Cohen-Levinas – d’organiser ce colloque pour le penser collectivement : en juin 2012, un jugement de la cour d’appel de Cologne déclarait la circoncision d’un enfant pour des raisons religieuses constitutive d’atteinte à l’intégrité corporelle. Cette pratique très ancienne et commune au judaïsme et à l’islam était dès lors interdite dans toute l’Allemagne. Quelques semaines plus tard, l’Autriche et les hôpitaux universitaires de certains cantons suisses décidaient à leur tour d’un moratoire sur les circoncisions rituelles. Dans cette Allemagne repentante depuis des décennies, les Juifs se sont retrouvés de manière inattendue et soudaine au cœur d’une polémique puissante qui les renvoyait, aux côtés des musulmans, à une pratique décrétée mutilatrice, archaïque, voire barbare. Ce rituel, fondamental au point que son interdiction rendait impossible la présence juive en Allemagne, selon le Zentralrat der Juden, semblait contredire et bafouer des valeurs essentielles de la République fédérale. Ce débat s’est élargi, puisqu’en octobre 2013 c’est le Conseil de l’Europe qui publiait un avis préconisant de légiférer dans le sens d’une limitation, voire d’une interdiction de la circoncision rituelle à l’échelle du continent. L’affaire est sérieuse, une incompatibilité entre l’Europe et ses minorités juive et musulmane est explicitement énoncée, ce fait est sans précédent depuis la fin du nazisme.