Abstract: Qu’il s’agisse d’un livre de recettes « juives », d’un cours dispensé à un jeune couple par un rabbin sur les lois « juives » du mariage, d’une défense pamphlétaire de l’État d’Israël en tant qu’État « juif » ou de la publication d’un texte psychanalytique sur le Moïse de la Bible hébraïque, toutes ces activités participent à une production définitionnelle à la fois collective, publique, collaborative ou conflictuelle du fait « juif ». Dans le monde francophone, celle-ci se déploie dans un espace public spécifique se constituant en lieu de « production » de judéité. En tant qu’espace d’identification incluant — mais sans jamais pouvoir entièrement s’y réduire — des dimensions ethniques, religieuses, diasporiques, culturelles, politiques et nationales, le judaïsme contemporain, de fait, est profondément hétérogène. Il est constitué d’une multitude de microcosmes plus ou moins autonomes et est traversé tant par différentes dynamiques de sécularisation que de réaffiliations religieuses. Dans ce contexte, existe-t-il un ou plusieurs principes permettant de « tenir » ensemble toutes ses composantes ? Cette thèse porte sur l’économie de la légitimité au sein du judaïsme francophone, appréhendé à l’aide de la théorie des champs. La problématique qui guide ce travail peut être synthétisée par l’interrogation suivante : qui parle au nom des Juifs et à quelles conditions ? Au croisement de la sociologie politique, des sciences sociales du religieux, des études juives et de la sociologie des champs, les analyses présentées dans cette enquête s’appuient sur des matériaux hétéroclites : quatre-vingts entrevues réalisées avec des figures publiques du judaïsme francophone, une observation participante menée en yeshiva et la construction de deux bases de données statistiques. Quatre axes majeurs ont été couverts : la lutte contre l’antisémitisme, une série d’antagonismes dont le sous-champ religieux est l’épicentre et portant sur la position à adopter face au « sujet » moderne, le sionisme-religieux et le sépharadisme québécois. Comme le suggèrent ces deux derniers thèmes, la perspective de cette enquête est transnationale. Le judaïsme français étant le cœur démographique du judaïsme francophone, la majorité des données récoltées proviennent de ce pays. Mais l’enquête s’est aussi déroulée au Québec et dans le monde franco-israélien. Ceux-ci ont été intégrés à l’analyse en tant qu’études de cas permettant de mieux saisir les effets de la transnationalisation du champ sur l’économie de la légitimité. Cette thèse arrive au constat qu’en l’absence d’instances unifiées de consécration dans le champ, comprendre l’économie de la légitimité dans le judaïsme francophone contemporain suppose de prendre au sérieux les rapports moraux au monde constitutifs de l’expérience juive.
Abstract: In this article I investigate ritual life at the Moscow Choral Synagogue, the largest and longest running Orthodox synagogue in the Russian capital. Unlike many Eastern European synagogues, this synagogue is a thriving prayer community due to its unique congregation of Russian, Georgian, Bukharan, Mountain, and visiting Western Jews. I focus on a fistfight that took place between an Israeli and a Georgian Jew during prayer. I detail how Russian and Georgian Jews interpreted the incident to be a result of their different ethnicities, Russian and Georgian respectively. The fight elucidates how ritual in post-Soviet society provides the means for the production of ethnicity and Jewish identity. Arguing for localism within Judaism's transnational ideology, I suggest that Jewish identity, like ritual, is performative and contextual. I also show how the shifting power relations in post-Soviet society have reshaped ethnicity, making state-endorsed market reform a reference point of ethnic differentiation.