Abstract: Cette recherche envisage la tension entre une conception englobante de la religion portée par les juifs orthodoxes et une conception privatisée et plurielle en vigueur dans la société française, une société laïque et sécularisée, des années 1980 à nos jours. Cette tension est explorée depuis ces deux points de vue. D’une part, elle interroge comment les juifs orthodoxes s’organisent pour ménager l’espace jugé nécessaire à leur pratique religieuse. Pour ce faire, elle explore leurs besoins, leurs demandes, ainsi que les stratégies qu’ils mettent en œuvre pour les porter. D’autre part, elle soulève la question de la gouvernance publique du religieux. Pour ce faire, elle étudie la manière dont l’État laïc appréhende une minorité religieuse, qui semble aller à contre-courant du mouvement de fond de la sécularisation. A partir d’un protocole de recherche mixte, et en mobilisant la sociologie électorale, la sociologie de l’action collective, l’analyse des politiques publiques, et des outils de sociologie de la religion, elle teste la consistance de l’intégralisme des juifs orthodoxes dans la société française. Elle réfléchit ainsi à la gouvernance de minorités religieuses intégralistes, à partir d’un autre cas que l’islam, et distingue ce qui relève d’une religion en particulier ou de l’orthodoxie. Elle montre une érosion de l’intégralisme religieux, du fait de réponses défavorables des institutions publiques et de la sécularisation qu’il ne parvient pas à enrayer.
Abstract: В статье рассматриваются глубинные изменения, которым подверглась еврейская идентичность и культурная память в России, в том числе произошедшие советский и пост-советский периоды. Основываясь главным образом на результатах своих полевых исследований, проводившихся с 1999г. в ряде российских городов, я при-хожу к выводу, что у людей еврейского происхождения в России отсутствует еди-ная культурная самоидентификация, но что она имеет поливариантный характер.При этом некоторые типы самоидентификации не включают в себя символы ицен-ности, характерные для еврейской культурной традиции (или включают их частич-но).Глубокие трансформации еврейской идентичностив XXв. привели к тому, что и еврейская культурная память в нашей стране тоже имеет диверсифицированный характер. За последние два-три десятилетия в России наблюдается конструирова-ние «новой еврейской» самоидентификации и культурной памяти, которые зиждут-ся на позитивных ценностях–как религиозных, так и светских. Ведущая роль в этом процессе принадлежит различным еврейским религиозным и светским струк-турам.
Abstract: British state-supported Holocaust remembrance has dramatically grown in prominence since the 1990s. This monograph provides the first substantial discussion of the interface between public Holocaust memory in contemporary Britain and the nation’s changing religious-secular landscape.
In the first half of the book attention is given to the relationships between remembrance activities and Jewish, Muslim, Christian, and post-Christian communities. Such relationships are far from monolithic, being entangled in diverse histories, identities, power-structures, and notions of ‘British values’. In the book’s second half, the focus turns to ways in which public initiatives concerned with Holocaust commemoration and education are intertwined with evocations and perceptions of the sacred. Three state-supported endeavours are addressed in detail: Holocaust Memorial Day, plans for a major new memorial site in London, and school visits to Auschwitz. Considering these phenomena through concepts of ritual, sacred space, and pilgrimage, it is proposed that response to the Holocaust has become a key feature of Britain’s 21st century religious-secular landscape. Critical consideration of these topics, it is argued, is necessary for both a better understanding of religious-secular change in modern Britain and a sustainable culture of remembrance and national self-examination.
Abstract: In the improvised Paris memorials to the murdered Charlie Hebdo cartoonists in 2015, Jewishness was largely occluded, Christianity was naturalized (and denigrated in so far as it overlapped with ‘religion’) and Islam functioned as the icon of acute religious sensitivity and zealotry: the religion that cannot tolerate blasphemy, specifically the Muhammad cartoons, for which the martyrs of free speech were killed. In this study Sherwood looks at the Paris memorials (blasphemy ACH = after Charlie Hebdo) alongside two far less well-known cases of blasphemous cartoons from the period that I term BSV (=before The Satanic Verses). The latter include Bible cartoons from the 1880s, for which the freethinker George Foote was prosecuted for blasphemy, and the (as far as I know) first accidentally blasphemous Muhammad cartoon in Europe from 1925. In both cases, the spectral figures of ‘the Jew’ and ‘the Muslim’ are differently tangential, and are used to divert controversy away from the Christian. The deeper history of blasphemy controversies BSV helps us to articulate a darker history of the ‘secular’, secular freedoms and religion/race. Islam and Judaism continue to suffer from the old symbolic disabilities, and the disabilities of minority, whereas a certain deference to Christianity, and an ongoing use of Christian structures, is assumed.
Abstract: En 2005, la France célébra le centenaire de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, un an après le vote de la loi sur les signes religieux à l’école et le débat passionné qu’elle a suscité en France. Depuis plusieurs années, la laïcité est devenue un terrain d’affrontements et de vives tensions. Par exemple, Marine Le Pen se réclame du principe de laïcité pour se donner une respectabilité républicaine. Or, les valeurs que défend le Front national sont à l’opposé du principe de laïcité.
Il faut donc rappeler qu’en France, la laïcité c’est d’abord une liberté de croyance, une liberté de conscience qui permet aux hommes et aux femmes qui composent une société d’y vivre comme ils le souhaitent. Elle permet donc de concilier la diversité des croyances et des patrimoines culturels avec l’égalité des droits. L’État républicain doit se faire accueillant à tous, sans discrimination. Pour cela, il se refuse à tout privilège des particularismes : ni religion reconnue, ni athéisme consacré. Les religions et les humanismes athée ou agnostique peuvent se vivre librement, dans la sphère privée de l’intimité personnelle. La laïcité est donc porteuse d’un idéal, celui de l’individu-citoyen, elle est donc faite pour tout le peuple. La laïcité c’est également un ensemble de lois qui permettent à tous les citoyens de vivre ensemble sans qu’ils aient à renoncer à leurs particularités. Il n’y a pas de contradiction entre l’identité et la citoyenneté.
Face à une laïcité très souvent mal connue ou ignorée par une majorité des citoyens, les juifs de France, qu’ils soient croyants, pratiquants ou non, attachés à leurs origines religieuses ou athées, ont tissé des liens historique, sociologique et philosophique avec cette laïcité consubstantielle à leur citoyenneté et à leur adhésion à la Nation, résume Gérard Fellous, dans ce texte que nous publions pour ce vingt-huitième numéro des Etudes du CRIF: « La laïcité française. L’attachement du judaïsme. » Le judaïsme français s’est toujours montré fortement attaché aux principes fondamentaux de la laïcité, résume-t-il encore, avec justesse.
Certes.
Mais, si les atteintes à la laïcité ne sont pas acceptables, il ne saurait pourtant être question d’abdiquer devant les éventuelles atteintes aux fondamentaux, tant en France qu’en Europe.
La montée d’une sorte d’antijudaïsme institutionnel et « légal » inquiète les juifs d’Europe, lequel antijudaïsme a commencé à se traduire dans plusieurs grands pays de l’Union européenne par une remise en cause directe du droit et de la possibilité d’exercer librement la religion juive. Lorsque l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe vote en plénière, une résolution contre la circoncision assimilée à une mutilation sexuelle, cela nous éclaire sur sa face sombre. Le CRIF a mis un point d’honneur à dénoncer ce projet de loi-cadre. Nous pensons également à la remise en cause de la cacherout alimentaire - et surtout des autorisations jusque-là consenties à l’abattage rituel juif, dans quelques pays, ce qui serait une atteinte à une tradition millénaire.
Roger Cukierman,
Président du CRIF
Abstract: For many centuries the attitude towards baptised Jews within Jewish society was extremely negative, as baptism was perceived as apostasy. This attitude persists to this day, even though many Jews have abandoned Judaism and a secular Jewish identity has emerged. After seven decades of Soviet rule, during which a new Soviet, wholly secular Jewish identity, was constructed, Jewish identity in the former Soviet Union (FSU) is based mainly on the ethnic principle. As a result of an almost total detachment from Judaism, some Soviet and former‐Soviet Jews have converted to Russian Orthodoxy. Moreover, we can see the formation of a paradoxical Russian Orthodox Jewish self‐identification in post‐Soviet Russia. This processes, its trends and peculiar features are poorly studied, a matter this paper intends to remedy.
Abstract: Pour ceux qui définissent le judaïsme, à l'instar du modèle chrétien, comme une religion, parler de « Juifs laïcs » relève du non-sens, voire de la provocation. Pourtant l'histoire religieuse est coutumière de tels franchissements de frontières : ne parle-t-on pas de « christianisme profane » ? de « religion laïque » ? Preuves, s'il en est encore besoin, que toute définition univoque est incapable de décrire une réalité humaine. Une autre contestation vient, elle, des milieux juifs défenseurs de la Halakha : les Juifs laïcs seraient des hors-la-loi, au mieux des brebis égarées.
Mais les faits sont là, qui résistent à toute prescription normative. Ceux que j'ai contactés pour réaliser cette étude m'ont souvent répondu être « l'homme (ou la femme) de la situation ! ». Ces termes parlent. S'y reconnaissent ou acceptent volontiers d'être définis comme tels, ceux pour lesquels être juif ne passe pas – ou plus, ou pas uniquement – par une expérience ou une pratique religieuse, au sens étroit. « Juifs non pratiquants » alors, comme l'on parle de « catholiques non pratiquants », gardant mémoire de leur éducation chrétienne et demeurant fidèles à certaines valeurs morales qui lui seraient attachées ? Cette synonymie, qui conserve un lien avec le seul domaine religieux, est trop restrictive. Se définir « juif laïc » connote un attachement actif ou nostalgique à des langues (le yiddish, le judéo-espagnol, l'hébreu...), à des cuisines, à des terres d'origine (l'Alsace, la Pologne, l'Egypte...), à des littératures, à des histoires nationales ou intimes : bref, à des pans différents selon chacun, de ce qui est constitutif des cultures juives. Sans aucun doute faut-il, dès l'abord, ajouter à cette définition plurielle son ombre portée : les recherches personnelles, les questions, les tâtonnements les efforts de mémoire et d'invention qu'elle suscite.