Abstract: Cette contribution tente d’approcher les sentiments nourris par le souvenir du Yiddishland à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle. Elle cherche, afin d’aborder cette sphère habitée par l’ancrage familial, traversée par des antagonismes idéologiques, hantée par le souvenir de l’émigration et de l’intégration ainsi que celui de souffrances inouïes et longtemps indicibles, à suivre les représentations idéales d’un monde perdu, dans le domaine de la culture et dans celui des utopies politiques, en s’intéressant d’une part à des aspects du renouveau de l’expression culturelle yiddish en France au cours des trois dernières décennies, en particulier dans la chanson (Jacques Grober, Violette Szmajer, Batia Baum, Michèle Tauber et le groupe du Paon doré) ; d’autre part aux survivances des motifs d’utopie politique trouvant leur source dans l’épopée idéologique et historique du Yiddishland (Charles Melman, Mojsze Zalcman) ; enfin à la réappropriation de la mémoire véhiculée par le yiddish telle qu’elle peut être perçue dans les interviews réalisées par Max Kohn entre 2006 et 2016. Cette recherche, tentative d’exploration d’un cheminement affectif vers le yiddish de la part d’un enfant né à cette époque en Israël et ayant grandi en France dans une famille non yiddishophone, se limitera à certaines expressions de cette mémoire et de ces motifs d’espérance en France, sans s’interdire de les mettre en rapport avec des expressions analogues dans d’autres pays de la diaspora juive ou en Israël.
Abstract: Aujourd’hui, le djudyó (judéo-espagnol) n’est plus transmis en France. Des associations, comme Aki Estamos, offrent aux personnes qui le parlent ou le comprennent la possibilité de suivre des cours de langue. Les participants, sans être des locuteurs à part entière, ne sont pas non plus des apprenants stricto sensu, puisqu’ils possèdent des compétences linguistiques acquises dans leur enfance. Dans leur cas, la dichotomie entre acquisition et apprentissage est inopérante. Il convient d’identifier les objectifs de ces locuteurs-apprenants, qui suivent les cours sans développer de nouvelles compétences langagières. Ce sont les mots et leurs sonorités qui montent alors sur le devant de la scène, délaissant la grammaire. Le cadre des cours constitue un prétexte pour retrouver une langue et un monde disparus. M’appuyant sur l’observation participante, j’esquisserai les profils linguistiques de ces participants pour tenter d’en comprendre la démarche.