Regards sur les préjugés antisémites 10 ans après la mort d’Ilan Halimi
Views on antisemitic prejudices 10 years after the death of Ilan Halimi
11 February 2016
A la demande de l’Union des Etudiants Juifs de France et de SOS Racisme, l’Ifop a réalisé une enquête auprès d’un échantillon représentatif de la population française. Il s’agissait notamment à travers cette enquête de mesurer le niveau et l’intensité des préjugés à l’égard des juifs.
Cet objectif s’inscrit dans un double contexte :
- le dixième anniversaire de l’assassinat d’Ilan Halimi ;
- le premier anniversaire de l’attentat de l’Hypercacher.
A cet égard, l’étude Ifop / UEJF / SOS Racisme avait pour visée de déterminer l’impact des événements tragiques de janvier 2015 sur les préjugés antisémites, une enquête analogue ayant été menée par notre institut en septembre 2014, quatre mois avant les attentats, pour le compte de la Fondation pour l’innovation politique.
L’Ifop étudie depuis 1946 la perception et la diffusion des comportements racistes ou des préjugés. La mesure de l’intensité de ces comportements à travers une enquête auprès du grand public ne saurait constituer un souhait de les propager : ce sont les résultats de telle ou telle question de ce sondage qui sont susceptibles d’impressionner ou de choquer, non l’instrument qui permet de les mesurer.
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L’enquête Ifop pour l’Union des Etudiants Juifs de France et SOS Racisme, réalisée dans le contexte du double anniversaire des dix ans de l’assassinat d’Ilan Halimi et de la première année de l’attentat contre l’Hypercacher livre les enseignements suivants :
La manifestation d’un antisémitisme brutal et sans fard demeure un comportement très minoritaire dans la société française. Ainsi, moins d’une personne interrogée sur dix admet éprouver a priori de l’antipathie pour les juifs (alors que 29% disent éprouver ce sentiment à l’égard des Maghrébins ou des musulmans). De la même manière, le fait de dénier à un juif vivant dans l’hexagone la qualité de Français ne concerne que 12% de personnes interrogées. Enfin, apprendre qu’une personne de son entourage est juive suscite avant tout de l’indifférence (88% disent « ça ne me fait rien de particulier ») et quasiment jamais de l’hostilité (seulement 2%).
Pour autant, les préjugés et stéréotypes associés aux juifs se maintiennent à un niveau non négligeable dans l’opinion même s’ils ne sont jamais partagés majoritairement. Ainsi, entre un tiers et un quart des interviewés adhèrent à l’idée que les juifs utilisent dans leur propre intérêt leur statut de victimes du génocide nazi (32%), qu’ils sont plus riches que la moyenne des Français (31%), qu’ils ont trop de pouvoir dans les médias (25%) ou dans le domaine de l’économie et des finances (24%, contre 19% s’agissant de la politique). Seule la responsabilité des juifs dans la crise économique entraine une adhésion très marginale (6%).
Deux remarques s’imposent à ce stade :
- D’une part, la séquence tragique des attentats de 2015, notamment celui de l’Hypercacher, n’a que marginalement fait évoluer l’intensité des préjugés à l’égard des juifs. Comparé à l’enquête Ifop / Fondation pour l’innovation politique réalisée quelque mois avant les attentats de janvier, on observe surtout de la stabilité dans la récurrence des opinions antisémites. Seul le sentiment que les juifs exploitent dans leur intérêt leur statut de victime génocidaire reflue quelque peu (de 35% en 2014 à 32%).
- D’autre part, l’adhésion à des préjugés antisémites n’est pas homogène selon les catégories de population. Certains segments partagent nettement moins que la moyenne l’ensemble des opinions antisémites testées. C’est le cas des femmes, des jeunes de moins de 35 ans, des cadres supérieurs ou professions libérales et des sympathisants socialistes ou du Front de Gauche. A l’inverse, il est frappant de constater qu’au sein de catégories spécifiques – recoupant des segments majoritaires de la France du « Non » au référendum du 29 mai 2005 – se fait jour une intensité d’adhésion à des opinions antisémites systématiquement plus forte que la moyenne, notamment chez les hommes, les ouvriers, les personnes peu ou pas diplômées et parmi les sympathisants frontistes. Ainsi, 43% de ces derniers adhèrent au moins à trois affirmations relevant de préjugés antisémites contre 24% pour l’ensemble des personnes interrogées. A titre d’exemple, 52% des sympathisants du Front National considèrent que les juifs sont plus riches que la moyenne, soit 21 points de plus que la moyenne observée.
S’ils n’ont pas vraiment fait bouger les lignes des préjugés antisémites en France, les attentats de 2015 ont toutefois modifié les perceptions relatives à la situation des juifs dans notre pays. C’est notamment le cas concernant la pratique quotidienne de leur culte, puisque 62% des Français estiment aujourd’hui que les juifs qui souhaitent porter une kippa dans les lieux publics courent un danger (un constat guère surprenant après la récente agression d’un enseignant portant une kippa à Marseille), 56% considérant plus globalement que les juifs sont désormais obligés de vivre leur religion plus discrètement.
Les attentats ont aussi eu un impact sur la perception de la sécurité des juifs en France, un Français sur deux estime qu’ils sont sous la menace directe du terrorisme islamiste, et 19% considérant qu’ils sont plus en danger que les autres Français (contre 3% pour qui ils sont moins en danger et 78% pour qui tous sont menacés au même titre).
Même si le niveau de de sympathie à l’égard de la communauté juive de France demeure très stable (il n’a changé ni en bien ni en mal pour 87% des Français) et que 40% estiment que les Français juifs ne sont plus vraiment en sécurité de notre pays, on observe une évolution très forte du jugement sur leur devenir: la majorité des personnes interrogées (57%) souhaite aujourd’hui que les juifs de France restent en France, contre 48% en septembre 2014, soit une hausse de neuf points depuis 2014. Seuls 9% des interviewés considèrent qu’il vaudrait mieux pour les juifs de France aller vivre en Israël (stable par rapport à 2014), quand 34% ne se prononcent pas sur cette question.
Arebours du discours médiatique, on observe que l’affaire Halimi marque aujourd’hui encore profondément l’opinion, dix ans après ce fait divers tragique : deux tiers des Français (64%) disent s’en souvenir, dont 44% que déclarent « voir très bien ce dont il s’agit ». Pour 69% des personnes interrogées, l’assassinat d’Ilan Halimi constitue un symbole de ce à quoi peuvent conduire les préjugés sur les juifs. Si près de trois personnes sur cinq (61%) déclarent que cette affaire les a beaucoup touchées, 44% des Français estiment par ailleurs qu’elle a été trop vite oubliée par les médias (contre 33% qui affirment le contraire). Dans le détail des résultats, on observe que ces événements ont davantage marqué les plus âgés ainsi que les plus diplômés.
Cet objectif s’inscrit dans un double contexte :
- le dixième anniversaire de l’assassinat d’Ilan Halimi ;
- le premier anniversaire de l’attentat de l’Hypercacher.
A cet égard, l’étude Ifop / UEJF / SOS Racisme avait pour visée de déterminer l’impact des événements tragiques de janvier 2015 sur les préjugés antisémites, une enquête analogue ayant été menée par notre institut en septembre 2014, quatre mois avant les attentats, pour le compte de la Fondation pour l’innovation politique.
L’Ifop étudie depuis 1946 la perception et la diffusion des comportements racistes ou des préjugés. La mesure de l’intensité de ces comportements à travers une enquête auprès du grand public ne saurait constituer un souhait de les propager : ce sont les résultats de telle ou telle question de ce sondage qui sont susceptibles d’impressionner ou de choquer, non l’instrument qui permet de les mesurer.
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L’enquête Ifop pour l’Union des Etudiants Juifs de France et SOS Racisme, réalisée dans le contexte du double anniversaire des dix ans de l’assassinat d’Ilan Halimi et de la première année de l’attentat contre l’Hypercacher livre les enseignements suivants :
La manifestation d’un antisémitisme brutal et sans fard demeure un comportement très minoritaire dans la société française. Ainsi, moins d’une personne interrogée sur dix admet éprouver a priori de l’antipathie pour les juifs (alors que 29% disent éprouver ce sentiment à l’égard des Maghrébins ou des musulmans). De la même manière, le fait de dénier à un juif vivant dans l’hexagone la qualité de Français ne concerne que 12% de personnes interrogées. Enfin, apprendre qu’une personne de son entourage est juive suscite avant tout de l’indifférence (88% disent « ça ne me fait rien de particulier ») et quasiment jamais de l’hostilité (seulement 2%).
Pour autant, les préjugés et stéréotypes associés aux juifs se maintiennent à un niveau non négligeable dans l’opinion même s’ils ne sont jamais partagés majoritairement. Ainsi, entre un tiers et un quart des interviewés adhèrent à l’idée que les juifs utilisent dans leur propre intérêt leur statut de victimes du génocide nazi (32%), qu’ils sont plus riches que la moyenne des Français (31%), qu’ils ont trop de pouvoir dans les médias (25%) ou dans le domaine de l’économie et des finances (24%, contre 19% s’agissant de la politique). Seule la responsabilité des juifs dans la crise économique entraine une adhésion très marginale (6%).
Deux remarques s’imposent à ce stade :
- D’une part, la séquence tragique des attentats de 2015, notamment celui de l’Hypercacher, n’a que marginalement fait évoluer l’intensité des préjugés à l’égard des juifs. Comparé à l’enquête Ifop / Fondation pour l’innovation politique réalisée quelque mois avant les attentats de janvier, on observe surtout de la stabilité dans la récurrence des opinions antisémites. Seul le sentiment que les juifs exploitent dans leur intérêt leur statut de victime génocidaire reflue quelque peu (de 35% en 2014 à 32%).
- D’autre part, l’adhésion à des préjugés antisémites n’est pas homogène selon les catégories de population. Certains segments partagent nettement moins que la moyenne l’ensemble des opinions antisémites testées. C’est le cas des femmes, des jeunes de moins de 35 ans, des cadres supérieurs ou professions libérales et des sympathisants socialistes ou du Front de Gauche. A l’inverse, il est frappant de constater qu’au sein de catégories spécifiques – recoupant des segments majoritaires de la France du « Non » au référendum du 29 mai 2005 – se fait jour une intensité d’adhésion à des opinions antisémites systématiquement plus forte que la moyenne, notamment chez les hommes, les ouvriers, les personnes peu ou pas diplômées et parmi les sympathisants frontistes. Ainsi, 43% de ces derniers adhèrent au moins à trois affirmations relevant de préjugés antisémites contre 24% pour l’ensemble des personnes interrogées. A titre d’exemple, 52% des sympathisants du Front National considèrent que les juifs sont plus riches que la moyenne, soit 21 points de plus que la moyenne observée.
S’ils n’ont pas vraiment fait bouger les lignes des préjugés antisémites en France, les attentats de 2015 ont toutefois modifié les perceptions relatives à la situation des juifs dans notre pays. C’est notamment le cas concernant la pratique quotidienne de leur culte, puisque 62% des Français estiment aujourd’hui que les juifs qui souhaitent porter une kippa dans les lieux publics courent un danger (un constat guère surprenant après la récente agression d’un enseignant portant une kippa à Marseille), 56% considérant plus globalement que les juifs sont désormais obligés de vivre leur religion plus discrètement.
Les attentats ont aussi eu un impact sur la perception de la sécurité des juifs en France, un Français sur deux estime qu’ils sont sous la menace directe du terrorisme islamiste, et 19% considérant qu’ils sont plus en danger que les autres Français (contre 3% pour qui ils sont moins en danger et 78% pour qui tous sont menacés au même titre).
Même si le niveau de de sympathie à l’égard de la communauté juive de France demeure très stable (il n’a changé ni en bien ni en mal pour 87% des Français) et que 40% estiment que les Français juifs ne sont plus vraiment en sécurité de notre pays, on observe une évolution très forte du jugement sur leur devenir: la majorité des personnes interrogées (57%) souhaite aujourd’hui que les juifs de France restent en France, contre 48% en septembre 2014, soit une hausse de neuf points depuis 2014. Seuls 9% des interviewés considèrent qu’il vaudrait mieux pour les juifs de France aller vivre en Israël (stable par rapport à 2014), quand 34% ne se prononcent pas sur cette question.
Arebours du discours médiatique, on observe que l’affaire Halimi marque aujourd’hui encore profondément l’opinion, dix ans après ce fait divers tragique : deux tiers des Français (64%) disent s’en souvenir, dont 44% que déclarent « voir très bien ce dont il s’agit ». Pour 69% des personnes interrogées, l’assassinat d’Ilan Halimi constitue un symbole de ce à quoi peuvent conduire les préjugés sur les juifs. Si près de trois personnes sur cinq (61%) déclarent que cette affaire les a beaucoup touchées, 44% des Français estiment par ailleurs qu’elle a été trop vite oubliée par les médias (contre 33% qui affirment le contraire). Dans le détail des résultats, on observe que ces événements ont davantage marqué les plus âgés ainsi que les plus diplômés.
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Regards sur les préjugés antisémites 10 ans après la mort d’Ilan Halimi. . 11 February 2016: https://archive.jpr.org.uk/object-fra106