Abstract: Cette thèse étudie la politique migratoire vis-à-vis d’un groupe ethnicisé accueilli en raison de son identité putative, tout comme analyse la relation à une identité assignée de ces migrants. Dans une première partie, la recherche porte sur la construction par l’Allemagne entre 1990 et 2010 d’une politique d’accueil destinée à des personnes identifiées comme juives par leurs papiers d’identité et résidant sur le territoire de l’ex-Union soviétique, dans le but de renforcer démographiquement la Communauté juive allemande : dans ce cadre, en vingt ans, plus de 200 000 personnes catégorisées comme « réfugiés du contingent » puis comme « migrants juifs » ont immigré en Allemagne. Nous y montrons qu’il est attendu de ces migrants qu’ils remplacent symboliquement les Juifs d’Allemagne émigrés avant 1933 ou exterminés sous le IIIe Reich. Mais, en raison de l’inadéquation entre les Juifs espérés et les migrants juifs postsoviétiques, déjudaisés et rencontrant des problèmes d’intégration professionnelle en Allemagne, l’accueil de ces migrants va progressivement se restreindre. À travers la mise en doute de l’authenticité de leurs papiers d’identité, la véracité de leur identité juive va être questionnée. Dans une seconde partie, s’appuyant sur des entretiens biographiques, ce travail analyse la mise en récit de l’identification comme Juif de ces migrants, avant l’immigration, pendant le processus migratoire et après l’immigration, interrogeant le passage d’une identification comme Juif stigmatisante à une identification valorisante puisque clef d’entrée pour l’immigration en Allemagne.
Abstract: La chute du régime communiste et l'indépendance de la Lettonie ont déclenché de nombreux changements politiques à l'intérieur de ce pays, qui ont concerné dans un large mesure la communauté juive. Cette période a en effet été marquée par une émigration massive de Juifs, en particulier en Israël et aux Etats-Unis, ainsi que par l'émergence d'une vie communautaire, interdite à l'époque soviétique, principalement grâce au soutien d'associations juives internationales comme Joint et l'Agence juive. La désoviétisation de la Lettonie a également contribué à un réexamen de son histoire, y compris de ses aspects les plus difficiles, comme le génocide juif, au cours duquel près de 90% de la communauté locale a été exterminée. Par conséquent, pour l'ensemble des Juifs lettons, le contexte a été radicalement transformé : ils sont passés du statut de Juifs soviétiques, victimes du régime, séparés du reste de la société et auxquels on refusait le droit de se souvenir - toute allusion au génocide juif étant interdite en URSS - et même de quitter les frontières du pays, à celui de citoyens bénéficiant d'une place assurée dans la société, avec un passé douloureux reconnu, voire mis en avant, par les institutions politiques. En Lettonie, la mise en place de la politique commémorative s'impose dans le cadre de la démocratisation et de l'intégration européenne, mais est compliquée par le croisement entre la mémoire traumatique des Lettons chrétiens, liée aux répressions soviétiques en 1940, et celle de Juifs lettons, refusant la mise en parallèle entre les Soviétiques et les Nazis. Les immigrés postsoviétiques, quant à eux, se retrouvent confrontés à leur société d'accueil, ce qui leur impose de s'adapter encore plus rapidement aux mêmes transformations sociales.