Abstract: Les manifestations de nationalisme et d’antisémitisme qui accompagnèrent la transition furent souvent interprétées en termes de retour du même. En témoignent des expressions chargées en connotations primordialistes telles que « retour des nations et du nationalisme », « réveil des nationalismes », « retour des vieux démons ». Effet « réfrigérant » de la domination du Parti-État, « vide idéologique » postcommuniste, telles furent, dans un premier temps, les explications communément invoquées pour en expliquer la réactivation.
C’est oublier que l’effondrement idéologique du communisme en Europe du Centre-Est a largement précédé celui du Mur de Berlin, et que les passions nationalistes n’avaient jamais été mises au frigidaire sous le régime communiste. Instrumentalisées par certaines élites du Parti comme par des fractions de l’opposition, elles n’ont pas attendu l’effondrement du Mur de Berlin pour se déployer. Reste que leurs manifestations récentes sont d’autant plus difficiles à interpréter en bloc que l’hétérogénéité sociologique de l’Europe du Centre-Est s’approfondit depuis la désintégration de l’Empire soviétique et que le concept même de nationalisme désigne parfois des réalités sociales et politiques diamétralement opposées.
En partant de l’idée que « le renouveau du nationalisme en Europe de l’Est est moins la cause de la situation actuelle que sa conséquence », nous montrerons à partir de l’exemple polonais, que celui-ci participe en réalité d’un phénomène classique de réinvention d’une tradition…