Abstract: Il s'agit dans cet article d'éclairer les pratiques alimentaires d'une population juive originaire de Tunisie, installée en milieu urbain, dans le quartier de Belleville, à Paris (XXe arrondissement), depuis une quarantaine d'années. A partir d'observations et de matériaux collectés dans les familles, l'auteur retrace la réalité des pratiques alimentaires dans leur rapport à plusieurs pôles culturels. Le pôle tunisien, avec une prédominance de plats « traditionnels » lors des repas festifs, le pôle français avec une récupération de notions clés un temps catégorisées comme propres à la cuisine française (haute cuisine, légèreté, modernité), et désormais appliquées à la cuisine tunisienne, ainsi qu'un maintien de certaines pratiques alimentaires (le petit déjeuner français) ou l'adoption d'autres (le « steak-frites » ou le « poulet rôti »). Le pôle juif qui oppose les générations quant à l'observance des règles de la cacherouth, et un pôle « exotique » qui témoigne de la capacité de cette population à adopter certaines pratiques alimentaires de ses voisins. Ces pratiques illustrent la difficulté de parler d'essentialisme identitaire, au profit d'identités culturelles aux multiples facettes.