Abstract: Depuis les années 1970, s’observe une « orthodoxisation » de la judaïcité mondiale, notamment en France, au Royaume-Uni, aux États-Unis ou en Israël. Ce mouvement est d’abord porté par des jeunes. Or, jusqu’ici, les études n’ont pas suffisamment abordé la conjonction de la globalisation, de la jeunesse et de la religion dans cette évolution. Cet article étudie la globalisation d’un courant juif orthodoxe, le mouvement loubavitch. Comment insère-t-il les jeunes dans une stratégie de globalisation ? Quels en sont les effets sur leur pratique religieuse ? Cette ONG confessionnelle est un important vecteur d’une « orthodoxisation » chez les jeunes. Elle investit de manière prioritaire dans la jeunesse, notamment par un système éducatif spécifique : il vise à favoriser l’intégration à la communauté loubavitch, par le biais d’une formation orthodoxe standardisée. Mais au sein du mouvement, les jeunes sont aussi des agents : ils sont promoteurs d’une orthodoxie juive globalisée.
Abstract: Cette recherche envisage la tension entre une conception englobante de la religion portée par les juifs orthodoxes et une conception privatisée et plurielle en vigueur dans la société française, une société laïque et sécularisée, des années 1980 à nos jours. Cette tension est explorée depuis ces deux points de vue. D’une part, elle interroge comment les juifs orthodoxes s’organisent pour ménager l’espace jugé nécessaire à leur pratique religieuse. Pour ce faire, elle explore leurs besoins, leurs demandes, ainsi que les stratégies qu’ils mettent en œuvre pour les porter. D’autre part, elle soulève la question de la gouvernance publique du religieux. Pour ce faire, elle étudie la manière dont l’État laïc appréhende une minorité religieuse, qui semble aller à contre-courant du mouvement de fond de la sécularisation. A partir d’un protocole de recherche mixte, et en mobilisant la sociologie électorale, la sociologie de l’action collective, l’analyse des politiques publiques, et des outils de sociologie de la religion, elle teste la consistance de l’intégralisme des juifs orthodoxes dans la société française. Elle réfléchit ainsi à la gouvernance de minorités religieuses intégralistes, à partir d’un autre cas que l’islam, et distingue ce qui relève d’une religion en particulier ou de l’orthodoxie. Elle montre une érosion de l’intégralisme religieux, du fait de réponses défavorables des institutions publiques et de la sécularisation qu’il ne parvient pas à enrayer.