Abstract: À Paris, Tel-Aviv, Istanbul ou Los Angeles, on entend et chante les fameux standards judéo-espagnols. Ce partage de connaissances est le résultat d’une patrimonialisation qui a commencé dès les années 1950 dans un espace transnational à la suite de l’éclatement géographique des Judéo-Espagnols de l’Empire ottoman. Cet article expose les différentes étapes de ce processus, tant dans la diachronie que dans la synchronie, à partir d’un terrain multisite mené en France, aux États-Unis et sur le cyberespace. On découvrira que la construction du patrimoine à travers l’expérience de la migration peut être envisagée comme un mouvement de reterritorialisation permettant aux Judéo-Espagnols de faire communauté, de reconsolider la filiation judéo-espagnole dans l’espace familial et ainsi, de constituer un territoire historique fédérateur incarné par le patrimoine. Au-delà de ce cas spécifique, l’article montre comment le patrimoine musical, en raison de son statut d’objet immatériel facilement transportable, peut nous conduire à repenser la patrimonialisation au-delà du territoire et à l’envisager comme un processus de consolidation et de création de liens entre des individus et des groupes d’individus partageant un sentiment d’appartenance.