Abstract: Les travaux sélectionnés pour cette thèse de sociologie (4 ouvrages et 14 articles ou chapitres de livre) explorent deux thématiques différentes : les familles homoparentales et le vécu de croyants homosexuels. En dépit de leur éloignement du modèle exclusif de la parenté, un père, une mère pas un de plus, les familles homoparentales inscrivent leurs enfants dans une chaîne de transmission parentale, tant culturelle que généalogique. De même, les croyants homosexuels adhèrent aux valeurs de leur appartenance religieuse même s'ils contestent la légitimité de l'autorité institutionnelle de l'Eglise ou des rabbins. Dans les deux cas, il y a à la fois ébranlement de la norme et adhésion à un modèle légèrement différent, plus inclusif. Les homosexuels deviennent parents en élargissant les représentations de la parenté. Les homosexuels croyants parviennent à intégrer leurs dimensions identitaires antagonistes en se tournant vers des églises ou des communautés plus accueillantes ou en réinterprétant les textes problématiques. Dans l'un et l'autre cas, ils contribuent à construire des modèles compatibles avec les formes nouvelles de la famille et de la socialité religieuse. Les travaux sélectionnés pour cette thèse montrent que la réunion de dimensions a priori inconciliables -homosexualité et famille, homosexualité et religion - conduit à des innovations sociales non seulement à l'échelle individuelle, mais aussi à l'échelle sociale. Les institutions, qu'il s'agisse du droit de la famille ou des autorités religieuses ne peuvent rester complètement imperméables aux évolutions sociologiques auxquelles les expériences individuelles les confrontent.
Abstract: Dans la société française contemporaine, laïque et souvent considérée hostile aux regroupements sur une base « communautaire », le Beit Haverim (« Maison des Ami-e-s » en hébreu) représente une association originale. Créée à la fin des années 1970, ce groupe juif homosexuel parisien s’inscrit d’abord dans les transformations du mouvement homosexuel, dont il fait partie intégrante. Le Beit Haverim participe du mouvement actuel des associations « gay plus un » que décrit Elisabeth Armstrong1 dans son analyse de la construction identitaire gay depuis les années 1950 à San Francisco. Son développement renvoie aussi aux transformations du monde juif français, marqué par le questionnement sur la place du religieux dans l’identité juive. Alors que les lieux de socialisation juive, synagogues, centres culturels, n’autorisent pas une affirmation gay ou lesbienne, le Beit Haverim permet à ses membres non seulement de vivre leur homosexualité dans une dimension identitaire collective mais également d’y trouver un support pour une autre dimension identitaire, leur judéité. Les différents rituels proposés par l’association offrent à ses sympathisants de quoi forger un sentiment d’intégration et d’affirmation de leurs deux dimensions. Des « tea dance » calées sur le calendrier des fêtes juives jusqu’aux cérémonies d’union modelées sur le rituel du mariage juif traditionnel, l’entretien entre Franck Jaoui, son actuel porte-parole, et Martine Gross, chercheure qui fut aussi l’une des membres fondatrices de l’association, permet de retracer la place du rituel dans la construction de sociabilités et d’identités juives homosexuelles en France.